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Constellation 

Photo du rédacteurRafaël DEVILLE

The Velvet Underground — Sister Ray 


The Velvet Underground © Michael Ochs Archives © Radio France


John Cale a quitté le Velvet Underground — comprendre « Lou Reed l’a viré pour des questions d’égo » — dans la foulée de leur deuxième album White Light/White Heat. Un gallois qui joue du violon sous speed, c’est quand même un atout majeur quand on est un groupe de fous furieux iconoclastes. Et ça s’est révélé nécessaire lors du point d’orgue de l’album susmentionné, Sister Ray. 

 

Aiguille et bruitisme : un enregistrement hors-normes 

 

Au diable l’histoire, digne d’un Hubert Selby Jr. rencontrant William S. Burroughs dans un bouge de Brooklyn, avec ses marins, ses trans, le tapis qui doit survivre à l’orgie… c’est superbement écrit, très bien interprété mais, étonnamment, ce n’est pas là que tout se joue. 

 

Tout se joue dans la musique. Ce bruit ambiant qui, pendant 17 min et 32 sec vous rompt la colonne vertébrale, scie le crâne et pourtant, pourtant, est magistral. Plusieurs choses. 

 

Ce morceau, déjà joué en live avant cet enregistrement, est la quintessence du son de la première mouture du Velvet : abrasif, aux paroles hors-norme (au sens littéral tu terme norme), facile 10 ans en avance sur son temps et enregistré en une seule prise. 

 

Les conditions de cet enregistrement : tous les potards sont dans le rouge, l’ingénieur du son devient complètement fou, se casse au bar en hurlant au groupe de faire ce qu’il veut et d’appuyer sur un bouton à la fin pour enregistrer, pendant que le guitariste sterling Morrison se bat pour jouer plus fort que l’orgue de John Cale qui veut jouer plus fort que la guitare de Lou Reed qui couvre déjà les percussion de l’incroyable Moe Tucker. Évidemment, tout le monde est complètement éclaté au speed, sinon on ne comprendrait pas comment un truc comme ça a pu être enregistré dans l’un des pires studios de la ville. 



Les conséquences d’un son 

 

Maintenant, vous demandez surement pourquoi cet OVNI est important. J’admets ne pas l’avoir bien vendu. Parce qu’il va là où personne n’est allé avant, examinant et transgressant allègrement la frontière entre la musique rock, les expérimentations classique de La Monte Young et questionnant l’essence même de ce qu’est, ou doit être, une chanson. C’est pour ces raisons, et bien d’autres, que ce morceau est l’absolu morceau du VU, quasi-anti-morceau qu’on apprend à aimer, petit à petit. Parce que oui, les paroles sont extrêmement drôles, bien qu’on y rit surtout jaune, le sujet est aberrant en 1968, comme a peu près tout leur premier disque l’année d’avant, et surtout parce que l’impact de ce Frankenstein musical est juste ahurissant. 

 

D’Iggy Pop avec ses Stooges, aux punks, en passant par Sonic Youth, R. E. M. et mêmes les Strokes, sans ces minutes de folie, il est probable que l’histoire musicale contemporaine aurait été bien différente. 

 

On ne va pas le cacher, c’est une épreuve d’écouter ce morceau pour la première fois, et d’ailleurs l’album entier. Mais c’est peut-être l’une des meilleurs choses jamais réalisées en musique. Alors franchement, ça vaut le détour. Et oui, le mix est pourri. En même temps, si on veut faire chier le monde, à quoi bon le faire à moitié ?"


Un article de Rafaël DEVILLE.

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